Avec cette nouvelle série, Luc Praet poursuit le travail de recherche initié avec le projet ALTERED dont les deux premiers volets, Chapter I, Chapter II, dévoilé en 2020, puis Several Heads, exposé en 2022, exploraient les thèmes de la mémoire, de la réminiscence des souvenirs et de la place de l'artiste dans la création. A la question persistante : « Tout ce que l'on crée n'est-il pas une éternelle réinterprétation ? » il semble qu’il s’amuse à proposer chaque fois de nouvelles perspectives, laissant la liberté aux spectateurs de se forger leur propre idée, de ressentir et de chercher en eux l’émotion suscitée par ses œuvres, et de se prendre au jeu.
Le jeu justement, faisant écho au titre de cette nouvelle série du projet ALTERED, astucieusement intitulée The Players, semble inciter Luc Praet à pousser encore plus loin les limites de l’expérience artistique. Dans cette aventure singulière et déroutante, nous sommes confrontés à une exigence particulière, dans laquelle l’artiste manipule habilement nos perceptions en tant que spectateurs : peut-on réellement être sûr de ce que l’on voit ? Luc Praet réussit à nous transporter du répertoire classique au plus contemporain, incitant l’œil à s’adapter, à chercher à comprendre, à déceler la réalité derrière les apparences.
À travers une dizaine de tirages, le photographe déploie toute la richesse d’une mise en abyme à la fois picturale et posturale. L’art est présenté comme un cycle qui se répète à l’infini, une invitation à imaginer ce qui précède le geste artistique. C’est un jeu mais aussi un « je », celui de l’artiste, qui reste le fil conducteur de l’œuvre élaborée par Luc Praet au gré de ses expositions. C’est également le jeu des artistes qui l’ont précédé, et qui le suivront, avec en filigrane le message puissant que l’art est un lieu de transmission, de transformation, d’élévation. Les « joueurs » présentés dans cette nouvelle série de photographies ne sont pas seulement ceux qu’on l’on distingue visuellement, mais aussi ceux qui réinventent notre perception du monde, et Luc Praet se positionne indéniablement parmi eux.
Marie Lemeland